Aitutaki sous la pluie

« Aitutaki sous la pluie »

Samedi 27 juin 2015, grand beau temps à Avarua, je décide de partir à Aitutaki, l’atoll de rêve situé à 350 km au nord de Rarotonga. Dès 8h30, j’enfourche ma Yamaha pour l’aéroport distant de 2 km. Le billet est pris à Air Rarotonga, la seule compagnie présente à l’aéroport, je paie cash 520 Dollars NZ.

Départ ce même jour à 15h30, retour Mercredi 1er juillet en fin d’après-midi.Petit tour au marché Punanga Nui du samedi, identique à celui vu la semaine précédente par mauvais temps. En raison du soleil, il y a plus de monde, peu de fruits à vendre, mais beaucoup de curios, de perles noires de l’atoll de Mahiniki, des paréos multicolores et autres robes de plage, des guitares et ukulélés faits sur place, des sculptures en bois d’objets traditionnels, des couronnes de fleurs en plastique, et beaucoup de pacotille made in China.

C’est surtout au rayon alimentaire qu’il y a le plus d’affluence.

De nombreux étals ou de petites gargotes « Take Away » proposent du Sashimi Yellow Fine, de l’Iki Mata (poisson cru au lait de coco et citron lime), et tout ce qu’il vaudrait mieux éviter, mais dont les kiwis et les australiens raffolent : Burger, Fish & Chips, Ice-Cream, et autres mets qui vont contribuer à arrondir des anatomies déjà bien déformées.

On n’est plus depuis longtemps au stade de l’embonpoint, on est carrément entré dans un XXI -ème siècle pachydermique avec des monstres qu’on pourrait exhiber au cirque Barnum. Un créneau d’avenir pour les laboratoires pharmaceutiques.

Il y a aussi des roulottes qui proposent des ice-creams venus directement d’Australie ou de Nlle Zélande, un boulanger qui propose des pains fait maison, des pizzas bien grasses, et autres pâtisseries qui ne me tentent guère.

Une petite échoppe propose un café arabica provenant de l’île d’Atiu du Groupe Sud, et je voudrais bien le goûter. Il y a forte affluence, l’attente est longue, et le prix me dissuade : la petite tasse à 5 Dollars, l’expresso à 10 Dollars, c’est presque le tarif des Champs Elysées.

En début d’après-midi, ma sympathique logeuse, l’allemande Ingrid, me dépose en 4×4 à l’aéroport. Aucune fouille des bagages, et aucun reçu pour les valises en soute. L’avion d’Air Rarotonga est suédois, c’est un SAAB 340, ce qui pourrait vouloir dire « Supérieur Aux Autres Boeing ».                                                                                                                                C’est un bimoteur de 35 places, et je suis en 3A, ce qui n’est pas la meilleure place pour les photos, aériennes puisque j’ai une vue panoramique sur l’aile et l’hélice gauche. Les meilleurs sièges sont au fond de l’avion.

Le vol dure environ 45 minutes, et l’arrivée sur Aitutaki ensoleillée est splendide, il est 16h20. On aperçoit à l’atterrissage quelque uns des quinze motus qui entoure l’ile principale.

L’aéroport possède deux pistes : l’ancienne de 900 mètres date de 1942, elle a été construite par les américains durant la guerre du Pacifique contre les Japonais. Elle ressemble beaucoup à celle de Bora Bora édifiée par les G.I.  à la même époque.

Le bimoteur SAAB d’Air Rarotonga qui dessert aussi Atiu, Mauke, Mitiaro, Puka-Puka, Manihiki, et Penrhyn qui est la plus éloignée de Rarotonga.
L’ancienne piste de un km n’est plus utilisée

La nouvelle piste qui date de 1995 est perpendiculaire à l’ancienne et mesure presque 2 kilomètres de long. Les passagers sont dispatchés dans leurs différents hôtels et accueillis par une vahiné « gonflée » qui leur remet un collier de fleurs de tiaré. J’ai réservé par téléphone dans un modeste hôtel, le Vaika Units, et Terangi la patronne est à la bourre. C’est une grosse mémère d’environ 40 ans, qui semble très sure d’elle. J’ai le droit à deux bises martiales à la place du traditionnel collier de fleurs. J’y ai perdu au change, mais il est bon, de temps à autre, de vivre dangereusement, cela fait secréter un peu d’adrénaline.

La pension se trouve à 4 km de l’aéroport sur la côte Ouest. La chambre n°4 est correcte, propre, sommairement équipée, ni eau chaude, ni internet, ni télé. Vue jardin d’un côté, le vis à vis de l’autre, et la route derrière le bungalow. Heureusement le trafic est limité.  Les deux bungalows « on the beach », trois fois plus chers, sont occupés par des retraités de Nlle Zélande. Terangi me présente « ma femme » puisqu’elle sait que je suis « célibataire » : c’est une mémé de 70 ans, au demeurant fort sympathique, qui va me prendre en charge. Comme il n’y a rien à manger et que tout est fermé le Dimanche, elle me donne quelques bananes pour mon PDJ qui sera donc assez frugal : thé Lipton à l’aspartam + 2 bananes. Idem, le lundi matin. Excellent pour la ligne. La plage est à 30 mètres : grand calme, beau lagon, et splendide coucher de soleil.

Des kilomètres de plage devant le Pacific Resort & Spa. Au fond, la capitale Arutanga.

Le Dimanche, ciel gris, la balade en bateau dans les motus est annulée. Je téléphone pour louer une vespa. On vient me chercher en 4×4, direction le bout de la piste d’aviation sur la plage de O’otu, chez Popora Rentals, qui est adjacent au resto-bar Boatshed du même propriétaire. Il y a au moins 50 motos bleu marine alignées en rang d’oignons comme pour un départ à l’ancienne aux 24 h du Mans. En 10 minutes, l’affaire est conclue, en route sur ma nouvelle bécane baptisée « Cheval Mouillé », car j’ai dû souvent essuyer la selle copieusement arrosée par une pluie continue.

Je fais le tour complet de l’île, environ 25 km, dont la moitié (dans le sud) n’est pas bitumée : un vrai tape-cul même à petite vitesse. Je ressemble à un parkinsonien à l’arrivée tant j’ai la tremblote. Par endroit, c’est un petit chemin, l’herbe est assez haute, et j’ai failli à deux reprises me casser la figure.

Le seul village d’Aitutaki est Arutanga, qui possède plus d’églises et de temples que de magasins. Il en y aurait 7(Adventistes, Mormons, Catholiques, Protestants, Sanitos, Saints des derniers jours, et une autre dont j’ai oublié le nom).

Un petit port avec un vieux bateau rouillé curieusement nommé « Bounty ».

Le bateau de pêche Bounty

Le premier visiteur européen dans cette île fût le Capitaine William Bligh sur le fameux « Bounty », le 11 avril 1789, soit 17 jours avant la mutinerie de Christian Fletcher.

En 1821, John Williams installe 2 pasteurs tahitiens pour convertir les indigènes de l’île au Christianisme.

Plus tard, en 1835, Charles Darwin fera une courte escale à Aitutaki sur le « Beagle » avec Fitz Roy comme capitaine.

Dans les années 1950, le lagon d’Aitutaki était utilisée pour une escale technique de la TEAL (Tasman Empire Air Line’s) qui traversait le Pacifique sur la célèbre « Route de Corail » avec de gros hydravions « Solent ».

John Wayne et Gary Grant furent deux des célébrités à profiter du motu Akaimi pendant qu’on remplissait les Solent en carburant.

Je visite les environs de l’aéroport au nord de l’île. Il y a un golf assez curieux qui est évidemment fermé le Dimanche. On a du mal à distinguer les trous et les points de départ. Il est probable que les parties sont interrompues à l’atterrissage des avions d’Air Rarotonga, car une balle perdue pourrait faire de gros dégâts sur la carlingue du SAAB, même s’il est fait d’un bon alliage suédois.

Un terrain de golf ne peut en aucun cas devenir un stand de tir.

Midi, je me rapproche de la petite île Akitua, le premier des 15 motus.

C’est sur ce petit îlot que se trouve l’un des plus beaux hôtels : l’Aitutaki Lagoon Resort dont la nuitée coûte entre 600 et 1240 Dollars.

Un tarif quelque peu exagéré, mais c’est une île privée, et pour y accéder il faut prendre un bateau. Ou tenter la traversée à la nage pour les plus aventuriers.

Le lagon est d’un joli bleu turquoise, et il ne semble y avoir aucun courant. Le bras de mer qui de mer qui sépare Aitutaki du motu Akitua ne doit pas dépasser la cinquantaine de mètres, soit la longueur d’une piscine olympique.

Hôtel Aitutaki Lagoon Resort

Je déjeune en bord de mer au Boatshed, tout au bout du terrain d’aviation, d’un Fish and Chips trop copieux en frites, et pas assez en poisson, un excellent marlin, malheureusement enrobé d’une couche épaisse de beignet que j’élimine le plus possible.

En début d’après-midi, retour vers la côte ouest en longeant la piste de 2 km de l’aéroport. Au bord de la route, juste en face du petit terminal, une dizaine de mamas avec une banderole « No commercial flight to Aitutaki on Sunday ». Je m’arrête, discute un peu avec ces manifestantes pacifiques, et prends 2 clichés. La raison de cette opposition, est en rapport avec leur culture et leurs traditions. Le Dimanche, toute vie s’arrête, on passe son temps à prier un Dieu qui semble bien sourd ou aux abonnés absents…… Le combat dure depuis 7 ans.

Je leur fais tout de même remarquer qu’elles sont venues en voiture, ou en moto, et que dans leurs traditions, ce moyen de transport n’existait pas. Cela les a fait rire, mais visiblement, on ne se déplace plus à pied à Aitutaki, ce qui explique peut-être que ces bigotes affalées sur leur fauteuil en plastique sont ventripotentes, certaines éclipsant même leur siège.

Les manifestantes du Dimanche

L’après-midi, j’explore toutes les routes et chemins de l’île, par un temps gris, peu propice aux photos. Je réussis à trouver le jardin secret de Bill Tschan, un suisse de 70 ans marié à une indigène qui se nomme Teetu. Son épouse lui a donné 4 filles.

Bill a eu en cadeau de mariage en 1974 un grand terrain de 2 acres qu’il a débroussaillé d’une jungle de plantes parasites envahissantes.

Puis il s’est mis à planter des arbres fruitiers peu connus grâce à des graines envoyées par la « Rare Fruit Society », une association US de passionnés de fruits tropicaux.

Il aurait 17 variétés de bananes, et un Jacquier de Bornéo « Red Gold », variété différente de celle que l’on rencontre un peu partout sous les tropiques sous le nom de Artocarpus integrifolia. Le fruit à pain, appelé ici « kuru » et « uru » en Polynésie, est du même genre : Artocarpus altilis, famille des Moracées.

Personne dans son jardin, j’aperçois un grand arbre avec des fruits rouge orange, splendides, que je n’ai jamais rencontré. Il s’agirait de l’Ackee et viendrait de l’Afrique de l’Ouest. J’apprends que c’est aussi le Capitaine Bligh qui aurait introduit cet arbre à la Jamaïque, et c’est désormais dans cette île des Antilles, un plat national quand le fruit est associé à un poisson Codfih.

Le chanteur américain Harry Belafonte en a fait une chanson devenue célèbre dans son album « Kingston town ».

Le fruit de 9 sur 6 cm contient 3 graines ressemblant à celles des Longanis.

Les fruits rappellent un peu, par leur forme et leur dimension ceux du pistachier, Pachira aquatica (Bombacacées). Les graines à l’intérieur d’un péricarpe très dur, sont comestibles, une fois grillées, et ressemblent un peu par le goût à des châtaignes.

J’apprendrais le lendemain que le pauvre Bill aurait fait une crise cardiaque et ne serait pas en mesure de me faire visiter son « Secret Garden ».

Le soir, dîner au Tamanu Beachfront, hôtel voisin de ma pension, où la nuit coûte dans les 500 dollars (330€). J’y avais dîné la veille, il n’y avait que 3 couples de vieux retraités, résidents de l’hôtel, et le repas était bon, peu copieux, et assez cher.

Ce Dimanche soir, c’est complet, et on me le dit avec quelque regret, car les serveuses ont vite repéré le « frenchy » à l’accent féroce, très différent de la clientèle kiwi. C’est « full » car il y a un chanteur-pianiste, et le dimanche soir, c’est buffet BBQ. Il reste bien une petite table de deux, mais elle est réservée pour un couple de résidents.

Je vais donc me rabattre de nouveau sur mes bananes, et d’ailleurs je n’ai pas grand appétit avec le « fish & chips » roboratif du déjeuner. Alors que sur le parking, j’allais reprendre ma moto, une des serveuses arrive en courant, essoufflée, et me dit que le couple résident ne viendra pas, la table est donc libre.  Je reviens au restaurant sous l’œil amusé des convives qui s’empiffrent à cœur vaillant, et je commande un verre de shiraz pour changer de la bière. Le dit-vin rouge de Nlle Zélande s’avérant limite imbuvable.

Buffet sympa, avec pour une fois des légumes (une rareté aux Cook) et une curieuse salade de potiron à l’arrow-root. Du thon jaune au BBQ, excellent, de la laitue bien fraîche (rare et hors de prix à Rarotonga), et en dessert un gâteau au chocolat qui plombe l’estomac et de l’ice-cream dont il vaut mieux ne pas connaître la valeur calorique. Au total, 54 Dollars avec un pinard qui fût aux antipodes d’un Pommard.

Lundi matin, pluie fine et vent violent. Impossible de bouger. Vers les 11 h, j’enfile mon Kway, et j’enfourche « Cheval Mouillé » pour aller au village d’Arutanga faire quelques courses. La pluie ne serait pas trop gênante, s’il n’y avait ce vent qui rend la conduite en moto périlleuse même si on lève le pied. Je roule presque à l’aveugle, à 10 km-heure, d’autant qu’il y a des nids de poules remplis d’eau et des poules d’eau qui traversent la route sans prévenir.

Au marché, rien sinon des nius à 1 dollar, c’est à dire des noix de coco. Première boutique, pas grand-chose non plus, j’achète un paquet de corn-flakes et une papaye. Seconde échoppe, je trouve des yaourts à 2,5 Dollars pièce et des biscuits Arnotts vendus 3 fois plus chers qu’en Australie. Mon PDJ du mardi et mercredi est assuré.

Je vais à midi déjeuner au Tauono’s Garden Café où l’on mange presque sous la pluie et où je suis le seul client. Sonja la patronne est autrichienne et m’a avoué avoir le même âge que moi. C’est une passionnée des plantes, des jardins, et de l’Organic c’est à dire du Bio.

Les tarifs sont élevés, je commande du thon avec légumes bio du jardin. Sonja vient me tenir compagnie, et nous parlons évidemment des plantes du Pacifique Sud. Je lui montre sur mon ordi, quelques photos des plantes de La Réunion qu’elle ne connaît pas pour la plupart. Elle m’aide à identifier 2 ou 3 arbres de bord de mer que je ne connaissais pas et qui sont pour certains des exotiques : Un lantern Tree de Chine et une Composée du Mexique baptisée « Sun Flower ».  Ces deux espèces exotiques sont devenues envahissantes et ont désormais le statut peu convoité de « peste végétale ».

 La peste du Mexique « Sun Flower » au bout de la piste principale.

Je lui achète 3 petits fruits de la passion vendus 1 dollar/pièce. La maison ne fait de cadeau, mais il est vrai que ce doit être difficile pour elle d’entretenir son jardin, et les clients étant très rares, il faut ferrer le pigeon quand on en tient un.

Il est 16h, et il pleut toujours, non-stop.

Prions pour que demain, il fasse beau.  

Mardi 30 juin, 8h du matin.

Toujours mauvais temps et un crachin ininterrompu depuis maintenant 30 heures. L’île du rêve ressemble désormais à l’île du Diable. Pas grand-chose à faire, même si on est motorisé, à moins de vouloir se transformer en homme-grenouille.

Vers les 10h, toujours en Kway, je pars sous la pluie vers la capitale Arutanga. Le marché est aussi désert que la veille, et la seule affluence est dans les deux petites boutiques ainsi que dans le bureau Telecom où des touristes tentent difficilement de se connecter à Internet.

Juste en face, le petit office du tourisme où je me renseigne à propos de Bill Tschan.

Coup de chance, il est dans sa voiture avec sa femme devant le marché. On sympathise aussitôt et la présence de béquilles confirme ses problèmes de santé. On va chez lui en convoi, et je lui achète son livre « Secret Garden : une collection de rares fruitiers tropicaux. » Il me le dédicace et j’immortalise l’instant.

Teetu sa femme née à Aitutaki et Bill, le suisse de 75 ans.

Bill m’autorise à visiter en solo son jardin puisqu’il ne peut pas se déplacer.

Je vais donc faire une seconde exploration de l’immense parc qui se trouve à 5 km de sa maison. Il y a des merveilles et des raretés qui raviraient mon ami Philippe C grand passionné de fruits rares des Tropiques.

Peu de fruits en cette saison hivernale. Je ramasse un beau citron et un énorme pamplemousse de Bornéo, très sucré et sans pépin, la même variété que l’on trouve en Polynésie.

Je fais quelques photos entre deux rafales de pluie, notamment de l’étonnant arbre aux fruits rouges, originaire de l’ouest africain, l’Ackee Tree.

Blighia sapida ou Ackee Tree de Côte d’Ivoire et très présent à la Jamaïque.

Je vais ensuite déjeuner au café Tupuna qui est juste à côté, au lieu-dit « Tautu ». Beaucoup de monde, c’est bon signe. Le cadre est sympa, les chats bien dodus, et le menu attractif. Je commande un jus de fruit frais (papaye, banane, corossol) et un Chili Fish with rice qui est présenté dans une demie noix de coco et qui s’avère être proche de l’Iki Mata.

Retour à Arutanga, où je retrouve le Bounty à quai : C’est un bateau « long liner » pour la pêche au thon.

Je continue vers la toute petite agence d’Air Rarotonga pour modifier la date de mon retour, en raison du mauvais temps. Faute de passagers, de nombreux vols sont annulés.

La minuscule agence Air Rarotonga.

Juste en face, quelques chèvres bêlent et me font savoir qu’elles s’ennuient. Je leur propose une partie de « chat perché » et évidemment, c’est la chèvre qui gagne.

Ce sont des coquines, ces bêtes cornées.

Il pleut toujours. 16h direction le mont Maungapu qui est le point le plus haut de l’île à 124 mètres. Grimpette pedibus pour garder la forme, et au sommet un vent violent. Un couple de kiwis m’apprend qu’à Auckland il fait en ce moment 2°C la nuit, et – 26°C à Christchurch, du jamais vu en Nlle Zélande, ce qui montre que le climat sur Terre est en plein changement. J’aperçois dans les nuages l’avion d’Air Rarotonga qui atterrit.

Vue du Mt Maungapu (124 mètres) la piste et le SAAB d’Air Rarotonga.

17 heures, et un kilomètre plus loin, visite du Marine Research Centre.

Charley est le biologiste responsable de ce centre où l’on fait l’élevage de bénitiers. Je sympathise rapidement avec ce kiwi sympathique qui m’explique ce qu’il a appris en 10 ans de pratique. Il y aurait aux premiers stades de développement de l’animal, une symbiose avec une algue, c’est un fait tout à fait nouveau.

Dans les bacs circulaires, des centaines de petits tridacnes sont en phase de croissance. Au vu de leur petite taille et de leurs quatre années d’existence, le développement n’est pas rapide. Ces bivalves vivraient entre 100 et 200 ans.

Ces petits bénitiers centimétriques ont 4 ans

Ces tridacnes sont expédiés principalement en Hollande pour être vendus dans le monde entier à des aquariophiles.

J’évoque avec Charles Waters, les Tridacnes géants que j’avais vus à Zamboanga dans les années 70. J’en avais même acheté un de 200 kg pour mon frère en Bretagne qui avait eu une belle surprise car je lui avais seulement dit que je lui envoyais un coquillage par fret maritime. Depuis que l’espèce est protégée, je lui ai conseillé de ne pas trop le montrer au public. Certains seraient tentés de faire main basse sur cette rareté en son absence.

Dîner à 20H30, au Pacific Resort le plus bel hôtel d’Aitutaki. Le cadre est splendide, et le repas délicieux : du thon mi-cuit enrobé dans de la nori, superbe mayonnaise au wasabi, nouilles japonaises Soba, et gingembre confit. Seul ombre au tableau, un chardonnay avec bulles trop acide. Je rêve d’un bon Meursault.

Mercredi 1er juillet 

Dernier jour à Aitutaki et je ne me suis pas baigné une seule fois.

Temps toujours mi-figue, mi-raisin. Cela s’améliore et on annonce « plein soleil » pour demain Jeudi.

Hélas, je prends l’avion à 16h30 pour Rarotonga.

Cogito ergo sum

Mon appartement de la rue 102, est contigu au Lycée Descartes de Phnom Penh et mes trois fenêtres donnent directement sur le plateau sportif de l’établissement scolaire. Je n’ignore plus rien de la pédagogie du basket, du volley ou du hand ball.

                                 Une des trois entrées du lycée (rue 96)

Les jeunes professeurs d’Education Physique et Sportive enseignent même jusqu’au coucher du soleil, puisqu’il fait nuit vers 17h45 alors que certains cours se terminent vers 18h : un vrai sacerdoce, la gymnastique de nuit, au clair de lune.

Le lycée Descartes va de l’école élémentaire à la Terminale. Il a été ouvert en 1951. La scolarité est payante et assez chère. Certains écoliers dont les parents français ont des revenus modestes bénéficient de bourses.

Le lycée donne sur trois rues : la rue 96 qui mène vers le Wat Phnom, la rue 61 avec l’entrée située juste en face de l’ambassade des Etats Unis d’Amérique, et la rue 102 qui est parallèle à la rue 96. Les rues 96 et 102 donnent sur le boulevard Monivong.

          L’entrée du lycée rue 102 pour les élèves du secondaire.

Les récréations sont interminables et bruyantes, les 585 marmailles déchaînées se défoulent généreusement pendant ces ponctuations ludiques où les neurones sont mis en hibernation alors que dans la cour le mercure affiche inexorablement les trente-deux degrés Celsius.

La fièvre monte rue 96, la double avenue du lycée qui se termine vers le Wat Phnom, la célèbre colline qui a donné une partie de son nom à la capitale khmère.

                            Le plateau sportif du Lycée Descartes rue 96

J’ai enfin trouvé le moyen de tempérer la fureur et le déchaînement des ces diables de chérubins. Je branche mon MP3 sur la télévision, et je mets la sono au maximum. L’ amplification des deux appareils SONY couvre le brouhaha des récréations du lycée.

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                             Gymnastique en musique dans une école khmère rue 102

Il semblerait que j’ai acquis une certaine audience, car on m’a baptisé « Radio Lycée ».

Evidemment, mes doux airs chaloupés et lancinants de Bossa Nova n’émeuvent guère ces écoliers du futur. Ils préfèrent ce qui bouge et je leur en colle du « Shout to the top » par The Style Council. Cela danse et se trémousse allègrement. Quelle énergie malgré cette chaleur.


Tout à l’heure, quand il faudra décliner « Rosa, la rose » en latin, le pauvre Descartes risque de se retourner dans sa tombe.


« Cogito, ergo sum » connais pas ! Au lycée français de Phnom Penh, c’est plutôt « je danse, donc je suis. »

Bernard – Colonial Mansion rue 102 – Décembre 2008 et Décembre 2013.

Holy Lola

En octobre 2003, le cinéaste Bertrand Tavernier commence le tournage du film « Holy Lola » au Cambodge. C’est l’histoire d’un couple Géraldine (Isabelle Carré) et Pierre (Jacques Gamblin) qui tentent d’adopter un bébé orphelin. Ce couple existe en réalité, il s’agit de Géraldine et Pierre Alix dont l’histoire est racontée dans ce film. La fille du metteur en scène, Tiffany Tavernier a donné l’idée du sujet à son père. En 2000, elle publie un livre « Dans la nuit, aussi le ciel » (éditions du Seuil) qui traite de l’adoption dans une ville mythique de l’Inde, Calcutta.

Tavernier qui connaît un peu le Cambodge et qui adore le sourire khmer, choisit le royaume pour y tourner son film.

L’équipe venue de France comprend vingt-cinq personnes, alors que localement c’est une centaine de Cambodgiens qui participent au tournage. Tout le monde doit se lever tôt, car il faut parcourir nombre de kilomètres par de très mauvaises routes dans le sud du royaume.

Une partie du film se situe à Kep, et l’auberge du Bout du Monde servira de lieu de tournage. Situé sur la colline des cobras avec une vue imprenable sur la mer Chine, c’est à l’époque le seul hôtel dans la région capable d’accueillir autant de monde. Il faudra d’ailleurs construire des dortoirs de fortune pour les cent quarante personnes du film.

Isabelle Carré, Jacques Gamblin, Bertrand Tavernier à l’auberge du bout du monde Kep.                          

La petite ville de Kep située au bord de la mer, est réputée pour son marché aux crabes. Du temps du Sangkhum Reast Niyum (1953 -1970) c’était la cité balnéaire à la mode où le roi Norodom Sihanouk venait souvent parader dans de belles voitures américaines.    Pendant la période des khmers rouges (1975-1979), les belles maisons coloniales furent abandonnées à leur triste sort, et les vietnamiens « libérateurs » (1979-1990) achevèrent le pillage des valeurs restantes.

L’action principale de Holy Lola se situe à Phnom Penh et dans les environs. Les   orphelinats sont nombreux et situés pour la plupart dans la banlieue de la capitale.                                                                                      

                                  Orphelinat Holy Baby en novembre 2003

Au tout début du film, on découvre quelques familles d’adoptants français qui logent à la pension REGA au numéro 8 de la rue 75 qui se trouve entre l’ambassade de France (1 boulevard Monivong) et la rue de France (aujourd’hui rue 57).

                     Bruno Putzulu, I. Carré, J. Gamblin et Lola à la pension REGA

Cette partie de Phnom Penh située entre la gare, l’ambassade de France, le Wat Phnom, le Tonlé Sap, et, la Poste, constituait le « quartier français » du temps du Protectorat.

 Aujourd’hui malheureusement, le charme de ces résidences et administrations anciennes, disparaît à une vitesse qui affole. Les chinois de Hong Kong et de Shanghai, les malaisiens de Kuala Lumpur, et les coréens de Séoul, bâtissent d’horribles buildings sans aucune concertation, dans une cacophonie de pelleteuses, une noria de bulldozers, et une horde d’ouvriers en tout genre.

De 2003 à 2004, le cercle sportif khmer, ses neuf courts de tennis, sa piscine et son restaurant « Le passe-temps » sont rasés pour laisser place à la nouvelle ambassade US.

                    La piscine du Club Sportif Khmer près du Wat Phnom en 1961

Un horrible bunker protégé comme un fort Chabrol est inauguré en 2005 par nos « amis américains ». Il est déconseillé de faire le moindre cliché même à vingt mètres de l’édifice car des caméras cachées filment en continu, et tout photographe amateur est considéré comme un terroriste potentiel. J’en fus l’innocente victime un certain 15 juillet 2010, subissant une interpellation musclée, confiscation de mes photos, et inspection carabinée de ma chambre d’hôtel par des pandores inquisiteurs du « secret service » de l’ambassade.

Pour braver l’interdit, deux jours plus tard, le Panasonic Lumix planqué dans le quotidien Phnom Penh Post, je me postais discrètement à côté de l’hôtel Sunway (encore une horreur de béton), et je déclenchais une salve vengeresse de clichés défendus.  

 L’ambassade américaine vue de la rue 92, donne sur quatre rues : 96,51,102, et 61

De nos jours, la pension REGA existe toujours. Elle est tenue depuis son origine (années 1990) par un couple vietnamien parfaitement francophone : Mr Duc Dung et Madame Vann Touch (qui jouent leur propre rôle dans le film). Dans leur jardin très arboré où les moustiques pullulent, un restaurant sympathique est bondé le midi, car les prix sont très bas, et la nourriture est correcte. Ils tiennent aussi à KEP un petit hôtel du même nom, situé au début de la ville, mais assez éloigné de la plage et du marché aux crabes.

Un casting fût organisé lors des repérages pour trouver la petite Srey LOLA qui sera le bébé adopté par Isabelle Carré et Jacques Gamblin. (Son vrai nom est Srey Pich Krang).

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                                                      Srey Lola l’héroïne du film

Dans le film, on comprend vite que la corruption gangrène tous les échelons de la société, et la situation politique ne se projette qu’à court terme.

Une bureaucratie poussiéreuse, inefficace et lente, amène les adoptants à des situations extrêmes : crises de nerf, pleurs, pétages de plombs constituent le fil rouge du film à la pension REGA. Les maris excédés par les formalités sans fin, les pots de vin sans lendemain, et les espoirs déçus, font une grève de la faim, en se couchant en plein soleil dans la cour d’un ministère de la capitale.

A la fin du film, la situation se débloque, un haut fonctionnaire, Mr Khieu (joué par le cinéaste et écrivain Rithy Panh) distribue aux couples de français le sésame de l’adoption. Rithy, quitte son bureau, et sérieux comme un pape, prononce de façon dramatique et solennelle, le vers de Victor Hugo :

« L’immuable harmonie se compose de pleurs aussi bien que de chants. »

  Les adoptants sont abasourdis par cette citation d’outre-tombe.

                                     Orphelinat de Sfoda où l’on découvre Lola

Le DVD se trouve facilement, piraté pour quelques Riels au marché russe de Phnom Penh, ou pour une vingtaine d’Euros sur Amazon, mais le plus précieux, c’est le DVD « Bonus » avec le « making-of » du film, et la rencontre de Bertrand Tavernier en 2005 avec sa majesté Norodom Sihanouk au Palais Royal de Phnom Penh.

Pendant le traditionnel échange de cadeaux, Tavernier, mielleux comme un intrigant du moyen âge, offre au roi toute sa collection de films depuis « Coup de Torchon » à « Le juge et l’assassin ». Le roi se courbe en quatre, à la japonaise, comme si on lui avait offert un diamant rose de vingt carats, et pleure de joie quand Tavernier pendant son discours, l’honore d’un « Cher Confrère ».                        

Il faut savoir que de 1953 à 1970, le roi a tourné beaucoup de films où il est chaque fois l’acteur principal, le metteur en scène, le dialoguiste, et le producteur. Sa dernière épouse Monique Izzi (métisse corse-khmère-vietnamienne-chinoise) joue souvent le premier rôle féminin, et les amis français du roi sont souvent de la partie. (Comme Monsieur Spacessi ce corse corpulent qui tenait le Café de Paris à Phnom Penh avant 1975.)

Beaucoup considèrent ces films comme des navets, mais je ne partage pas cet avis. J’ai passé des heures à visionner ces longs métrages quasiment introuvables, et si le scénario est souvent faiblard et naïf, ces images obsolètes sont les témoignages d’une certaine époque du Cambodge.

Le musicien Sin Sisamouth (éliminé en 1976 par les Khmers Rouges) apparaît dans quelques films. C’est l’un des rares documents audiovisuels de cette grande vedette trop tôt disparue, mais pas du tout oubliée. Les khmers le vénèrent aujourd’hui comme un Dieu. 

Une époque très dorée qu’on ne reverra plus, hélas, et même si on peut critiquer le versatile Norodom Sihanouk, ses folies, sa mégalomanie, et ses excentricités, c’était le temps heureux du Cambodge indépendant (1953 à 1970).

Dans « Ombres sur Angkor » au milieu du film, j’adore voir et revoir cette scène irréelle à Angkor Vat le soir. Lors d’un banquet, un orchestre khmer, en tenue d’époque, entonne un cha-cha-cha endiablé « Pepito mi corrazon » : anachronique mais savoureux.

On ne peut voir ce film qu’au Centre Bophana, rue 200 sur Monivong. Cet espace culturel où j’ai rencontré Rithy Panh et son épouse française Edith, est très intéressant car destiné principalement à la sauvegarde de tous témoignages, livres, films, documents, et chansons du patrimoine cambodgien qui n’ont pas été détruits par les méchants khmers rouges ou pillés par les vilains vietnamiens.

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                              I.Carré et J. Gamblin sous la mousson à Phnom Penh

Autre moment délicieux du DVD Bonus, le roi 83 ans a convoqué son orchestre en l’honneur du metteur en scène et des protagonistes du film. Sihanouk fatigué comme l’ancestral orchestre royal, entonne une chanson totalement désuète et inconnue du grand public. Sa Majesté se mélange dans les paroles, et ce moment est délicieux alors que Tavernier en savoure toute la quintessence. Hélas la scène ne dure que quelques secondes et il est bien dommage qu’un indélicat en ait coupé l’intégralité au montage.

 Il s’agit d’une chanson crée par Tino Rossi en 1934 : « C’est à Capri » qu’on peut trouver sur You Tube.

 » C’est à Capri que je l’ai rencontrée, Je fus charmé encore plus que surpris De milles fleurs elle était entourée Au milieu d’un jardin de Capri. »

J’ai rencontré voici cinq ans le régisseur local du film qui m’a donné quelques renseignements précieux sur le tournage. Toute l’équipe logeait à l’hôtel Goldiana, rue 282, dans le quartier chic de BKK1 à Phnom Penh. C’était loin, à l’époque d’être un hôtel de luxe, et en 2009, il était même fermé pour rénovations.

Les repérages ont eu lieu en août 2002 avec seulement 3 personnes : Tavernier père et fille, et le scénariste Dominique Sampiero.

L’équipe du film arrive le 13 octobre 2003 à Pochentong (l’aéroport de Phnom Penh) sous une pluie traversière. On est en pleine mousson et toute la ville est inondée. Quarante chauffeurs seront nécessaires pour les vingt-cinq français et la soixantaine de cambodgiens. Le tournage dure deux mois dans un excellent esprit malgré les difficultés et la chaleur extrême.

Il existe un livre « Holy Lola » de Dominique Sampiero et Tiffany Tavernier chez Grasset entièrement consacré à l’histoire de ce film.

Epilogue :

Fin 2004, alors que je vivais une belle romance sur les berges du Tonlé Sap, au superbe hôtel Mi Casa (aujourd’hui Himawari), je visite pour la nième fois le beau musée Albert Sarraute qui jouxte le Palais Royal. Je reçois un curieux appel téléphonique d’une dame khmère parlant assez bien l’anglais. Elle me dit que c’est OK pour l’adoption et que le bébé est disponible. Je dois maintenant verser le complément en dollars cash. J’ai beau lui expliquer qu’il doit s’agir d’une erreur, que je suis célibataire, et que je ne veux adopter aucun enfant, elle insiste fortement et me rappellera deux ou trois fois.

A l’époque, les autorités françaises avaient interdit les adoptions pour les français suite à de nombreuses magouilles et corruptions en tout genre.

Par contre, la petite entreprise fonctionnait à plein régime pour d’autres nationalités. A mon hôtel Mi Casa, j’ai rencontré de nombreux couples américains et australiens, certains au stade des formalités, d’autres très heureux avec un nouveau-né dans les bras.

Comme l’écrivait Victor Hugo :

« Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille Applaudit à grands cris ; Son doux visage qui brille Fait briller tous les yeux Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être Se dérident soudain à voir l’enfant paraître Innocent et joyeux. »

Bernard (Phnom Penh 31 décembre 2013)

.Bibliographie :

  • L’écho du Cambodge (décembre 2013) Article de Marcel Zarca.
  • « Déambulations Phnompenhoises » de Jean Michel Filippi – Kam Editions 2012
  • Phnom Penh « a cultural and literary history » de Milton Osborne 2008 Signal Book
  • DVD Bonus « Holy Lola » 2004 Bertrand Tavernier
  • Documentation personnelle (1997- 2011) Phnom Penh
  • Les Contemplations Victor Hugo (A Villequier)
  • Les feuilles d’Automne Victor Hugo
  • Discographie de Tino Rossi (1930-1950)
  • DVD de Rithy Panh « Barrage contre le Pacifique » 2009 avec Isabelle Huppert

Centre Bophana rue 200 Phnom Penh (Films de Norodom Sihanouk)

Trois singes en hiver

Citation

A Phnom Penh, capitale du Cambodge, les mois de décembre et de janvier sont les moins chauds de l’année. Certains résidents khmers disent même que pour eux c’est l’hiver. Les températures peuvent descendre autour de 20°C mais cela est rare. La plupart du temps en climat tropical, il fait très chaud, le thermomètre dépasse régulièrement les 30°C avec des records de plus de 40°C entre les mois de mars et de mai.

Un lieu de verdure, très fréquenté par les habitants et les touristes, se situe au centre historique de Phnom Penh. Une petite colline est surmontée du temple Wat Phnom qu’on peut gravir par un escalier situé au sud, c’est-à-dire du côté du fleuve Tonlé Sap.

Parc ombragé autour du Wat Phnom

Tout autour de cette colline sacrée, des arbres élancés forment une voûte ombragée permettant aux promeneurs de se rafraichir aux heures méridiennes quand le soleil est au zénith. La plupart de ces arbres centenaires ont été plantés du temps du protectorat français à l’époque de l’Indochine Française qui comprenait le Laos, le Cambodge, l’Annam, la Cochinchine et le Tonkin. C’était entre 1863 et 1953 année de l’Indépendance proclamée par Norodom Sihanouk, roi du Cambodge.

Un peu plus près du grand fleuve, se trouve l’ancien quartier français avec la Poste, le Commissariat de Police, le cadastre, le bâtiment des douanes, la banque d’Indochine, et le Grand Hôtel. Tous ces bâtiments ont été construits à la fin du 19ème et début du 20ème siècle.

Dans ce quartier chargé d’histoire, on aperçoit souvent des macaques en liberté, haut perchés dans les arbres, mais aussi dans les édifices. A proximité du quartier français, les rue 102 et 106 ont leur préférence.  Souvent affamés ils sont à la recherche constante de nourriture. Ce qui parfois, entrainent des situations cocasses lorsqu’ils tentent de voler les passants qui ont des fruits dans leurs cabas. Le vieux marché (Psar Chah) n’est en effet pas loin, à l’angle des rues 108 et 13 dans le quartier chinois.                                               

Trois singes en hiver 2004 (Place de la Poste)

 Pour traverser les rues, contrairement aux piétons, les singes utilisent les fils électriques ou téléphoniques, ce qui leur donne plus de sécurité tant au niveau du trafic que de la population.

DVD City of Ghosts

Dans le film de 2002 « City of Ghosts » avec Matt Dillon, James Caan et Gérard Depardieu, un singe grimpe le long de l’ancien commissariat transformé en hôtel Belleville pour les besoins du scénario.

L’ancien commissariat devenu hôtel Belleville dans City of Ghosts

L’animal effronté vole les Ray Ban de l’acteur et se sauve en vitesse, très satisfait de son larcin. Matt Dillon se plaint alors auprès du tenancier du Belleville, mais le patron, Gérard Depardieu, l’assure qu’il n’y a pas de singe dans son hôtel. (8 Dollars la nuit avec une climatisation qui ne marche pas) !

En 2009, suite à de nombreux incidents avec des touristes au Watt Phnom, et des passants dans la rue 102, le gouverneur du district a mis leur tête à prix : 250 US dollars pour chaque animal fauteur de trouble.  Une femme qui faisait son jogging a été agressée et blessée à la tête par deux singes rebelles dans la rue 106. C’est un incident de trop, les grands moyens vont être mis en œuvre pour faire disparaitre tous ces primates jugés dangereux.

Macaque autour du Wat Phnom

« Macaca fascicularis » ou macaque crabier à face rouge est originaire du Sud Est Asiatique. Il se nourrit de crabes quand il est en bord de mer, mais son régime est omnivore et opportuniste. Il vit en communauté de 5 à 60 individus et il pose souvent problème lors d’interactions nuisibles à l’homme. Les mâles peuvent peser 6 kg, les morsures de ces singes peuvent être très dangereuses pour l’homme.

Je me remémore le livre d’Antoine Blondin, « Un singe en hiver », et j’imagine comme dans le roman, une opération pacifique pour rapatrier tous ces macaques dans leurs forêts d’origine au Mondolkiri ou au bord du Pacifique près de la ville de Kep où le crabe est abondant.

« En Inde ou en Chine, l’hiver, des singes égarés se réfugient dans les villes où ils n’ont rien à faire. Ils sont arrivés là par curiosité, par peur ou par dégoût. Alors, comme les habitants croient que même les singes ont une âme, ils donnent de l’argent pour qu’on les ramène en train dans leurs forêts natales où ils ont leurs habitudes et leurs amis. » Antoine Blondin (1959)                                                                                      

Jim- Phnom Penh (Décembre 2009)

Les petits minous de la pagode Vat Than

Dans la ville de Phnom Penh, dire qu’il n’y a pas un chat, peut faire sourire quand on voit les rues bondées de véhicules en tout genre. Cette capitale abrite aujourd’hui plus d’un million d’habitants, et les motos, vespas et cyclomoteurs doivent égaler ce nombre tant ce moyen de locomotion a la ferveur des citadins khmers.

Par contre, si on prend l’expression « pas un chat » dans son sens premier, il en va tout autrement; les minous et les chiens sont rares au pays du Sourire. La gente canine paye un lourd tribut en alimentant certains restaurants de la capitale. En Extrême Orient, et à Phnom Penh en particulier, cela ne gêne personne qu’un roquet passe brusquement de vie à trépas, de la rue où il errait l’âme en peine, à la marmite accueillante d’un gargotier assassin. Qui va pleurer le sort de quelques milliers de toutous destinés aux fourneaux ?

En Chine, c’est encore bien pire, et mis à part peut-être le chien pékinois, tout bâtard en maraude est un mort en sursis. Dans les marchés de Canton tout ce qui a quatre pattes va vite finir sur l’étal d’un boucher au sourire tranche papaye et à la mine rubiconde.

Les chats ne se rencontrent que dans les pagodes. A Phnom Penh, celles-ci sont légion, on les appelle Vat ou Wat. Hors de l’enfer autoroutier, ce sont des espaces de calme relatif, des oasis de sérénité où les bonzes peuvent méditer mais aussi souvent dormir car il fait toujours très chaud dans cette ville.
Chaque Wat a son secret, chaque temple a son mystère, du plus grand le Wat Bottum au plus célèbre le Watt Lanka, du mieux situé le Watt Ounalom sur le bvd Monivong au plus excentré le Watt Toul Sovannara.(ou Watt Saravann). Tous ont de jolis jardins avec leur spécificités botaniques. Tel temple, près du quartier vietnamien, à l’angle des rues 118 et 107, possède de magnifiques arbres Koki (Hopea odorata), tel autre s’enorgueillit de ses splendides Ixoras odorants, celui qui jouxte le marché Kandall est célèbre pour ses Gardénias endémiques, d’autres cultivent avec soin le Malis qui est la fleur reine du Cambodge.

Sur le boulevard Norodom, pas très loin du restaurant Topaz situé au numéro 182, se trouve une pagode peu connue : le Wat Than.

                                         Wat Than Norodom

Cette pagode est un véritable refuge pour chats errants, sans Dieu ni maitre, peu désireux de finir en civet dans un restaurant de la capitale khmère.Les bonzes les nourrissent mais peut-être que certains minous pour améliorer l’ordinaire, fréquentent-ils, la nuit venue, l’arrière des cuisines du restaurant Topaz. Seul Alain Darc, le chef de ce restaurant renommé connait, peut-être, la réponse.

                Quelques minous sur les colonnes et escaliers du Wat Than

Une dame charitable, un peu vétérinaire, vient parfois aider les moines à soigner les greffiers malades, les grands blessés de guerre ou les accidentés de la route.

Elle est aussi une mère nourricière pour cette cohorte de félins affamés.

D’autres minous n’aiment pas cette promiscuité et préfèrent faire table à part; Comme ce solitaire tigré devant son écuelle vide.

Parfois on peut apercevoir un chat allongé au milieu des bonzes en pleine prière. A quoi peut bien rêver ce félin solitaire entouré d’un monde orange ?

Tous les chats du quartier l’ont bien compris, ce Wat Than Norodom est leur refuge et leur temple favori. Et même s’ils ne sont pas adeptes de Bouddha, pas question de bouder les bonnes gamelles des gentils bonzes.


Les chats sont en grande confiance dans cette pagode du boulevard Norodom.

Les moines les protègent et par un langage qui leur est propre, leur recommandent de ne pas sortir du temple. Le trafic à l’extérieur est ininterrompu et dangereux pour tout félin qui s’y aventurerait.

Bernard – Phnom Penh le 7 janvier 2012

Requiem pour un Gnome

Peu de gens connaissent, dans la capitale khmère, mon copain Tren qui, pourtant, apparait deux fois dans le beau film « Same same but different ».                        

J’ai consulté attentivement la fiche cinématographique de ce long métrage allemand de 2009, mais son nom n’apparait nulle part. Pas  plus que dans le  générique du DVD où l’on mentionne généreusement les auteurs des chansons : Noir Désir, Louise Attaque, Yves Montand, Franz Schubert.                               

Tren est aussi connu sous le nom de son personnage dans le film : « So Pheap ». Il est très fier quand on l’appelle par ce patronyme et qu’on lui dit qu’il est une « movie star » mondialement connue.

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Dinosaures

Vers 1996, je suis à Majunga au nord ouest de Madagascar. Un matin de juillet, 100 km de voiture pour un site exceptionnel où l’on trouve de nombreux fossiles. J’ai en main deux morceaux de fémur d’un dinosaure qui vivait au Jurassique, c’est à dire entre 200 et 150 millions d’années. Il s’agirait peut être de l’espèce herbivore Bothriospondylus madagascariensis.

Samba pour Sambo

Sambo est à la fête en ce beau dimanche 17 janvier. Une centaine de personnes se sont déplacées au Wat Phnom pour célébrer son anniversaire dans le jardin ombragé qui ceinture la célèbre colline de Phnom Penh. Sambo est une grosse dame de 50 ans, qui est encore célibataire et qui a dévoré, toute seule, son énorme gâteau confectionné à base de fruits de saison (bananes, mangues, papayes). La quinquagénaire est en effet végétarienne sans pour autant être adepte des régimes amincissants du type « Weight Watchers ».

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